Ce n’était pas qu’un tournoi de football !
En juillet dernier, à Srebrenica, Emmaüs Europe et le FIS-Emmaüs organisaient la première édition du Championnat d’Europe de football Emmaüs pour la Paix et les Droits humains. Témoignages forts, rencontres inoubliables et amitiés indéfectibles, voilà ce qui ressort de cet évènement, qui a réuni plus de 70 personnes, dont 31 compagnes et compagnons venu·es de 17 groupes, et de 13 pays différents. L’Europe d’Emmaüs !
« On était bien là-bas », se rappelle d’entrée de jeu Gusti, compagnon à Emmaüs Cabries depuis 4 ans. Venu pour jouer au football et découvrir le Mouvement Emmaüs au niveau européen, il ne se doutait pas que ses plus fortes émotions, il les vivrait vissé sur une chaise, à écouter des témoignages et suivre une conférence sur la non-violence : « c’est la première fois que j’assistais à des réunions comme ça, qu’on me proposait du contenu intéressant, et j’ai beaucoup appris… J’ai presque pleuré en entendant l’histoire de Dzile, et le témoignage d’Abdul. Ca va toujours rester dans ma tête. »
En effet, le témoignage de Dzile, rescapé du génocide de Srebrenica, et celui d’Abdul, réfugié afghan devenu photographe, étaient parmi les plus marquant de notre programme sur la construction de la paix et le respect des droits humains.
Zizou, compagnon devenu Responsable à Cabries, abonde : « J’avais suivi la guerre de Yougoslavie à la télévision, et plus de 20 ans après, se retrouver à Srebrenica… c’était fort ». Au moment d’évoquer les témoignages de Dzile et d’Abdul, les mots lui manquent, l’émotion est forte. Ce qu’il veut souligner, ce sont les rencontres et le foot : « On est en une journée ! C’est vraiment grâce au foot. Il y avait tous les âges, un mélange de culture, de langues… une rencontre de ce genre, c’est magnifique ! »
Cet évènement a été organisé avec un schéma simple : des temps d’écoute, d’ateliers et de conférences le matin, du sport l’après-midi. Entre les deux, un temps calme, avec des activités artistiques, pour permettre à chacun·e de s’exprimer à sa manière, ou de prendre du temps pour soi. Et aucune obligation : « On s’est senti en vacances tout en ayant un programme de conférences fourni et très intéressant » se remémore Leïla, Responsable à Emmaüs Iasi (Roumanie) venue avec sept compagnes et compagnons. Cet évènement était une opportunité unique de faire venir des compagnons qui ne parlent pas forcément une langue étrangère, et de leur faire découvrir le mouvement au niveau européen. ». Constat partagé par Aurélie, responsable à Cabries : « cette rencontre parlait aux compagnes et compagnons. En 15 ans de Mouvement Emmaüs, c’est la première fois que je vois un aussi grand nombre d’entre eux participer à un évènement, et assister aux conférences. En communauté, tu vis dans une bulle, et le mouvement… ça reste théorique : cela fait du bien de prendre le temps pour le découvrir vraiment, tu prends conscience de sa richesse. »
Au programme « atelier/conférence » donc : la visite du musée et du mémorial dédié au génocide de Srebrenica, suivie du témoignage intense de Dzile, survivant du massacre, qui a fait le choix de retourner dans sa région, meurtrie, pour bâtir la paix. Le lendemain, Daniele Taurino, philosophe et membre du mouvement pour la non-violence, invitait les participants à mieux comprendre les concepts de nonviolence, dans une Europe en guerre. Le dernier jour, le photographe afghan Abdul Saboor témoignait avec une douceur et une simplicité désarmante de son récit d’exil, et de son métier de photographe. Une exposition réunissant 16 de ses photos était installée dans une salle attenante, et Abdul a pris le temps de raconter les histoires qui se cachaient derrière chaque photo.
Des matinées chargées en émotions, desquelles les participant·es ressortaient parfois avec le cœur lourd. « Tu nous as mis une pierre dans le cœur, Abdul… » livrait Maria-Luisa à la fin de son témoignage. Les après-midi football et détente permettaient alors de se délester de ce poids, et d’aller à la rencontre des autres. Combien d’amitiés créées au bord du terrain, à encourager les joueurs et les joueuses, ou à travers les étreintes après un but marqué ?
Le sport comme outil d’intégration et d’apprentissage.
François, Président de la Fédération Emmaüs Suisse et dans le mouvement depuis près de 8 ans, raconte : « On n’a pas ou très peu souvent l’opportunité de partager avec les compagnons. [Dans les rencontres d’Emmaüs,] on parle plutôt de concepts, de priorités, de statuts… Là, tout le monde était accueilli, tout le monde est égal. Le sport permet à chacun et chacune d’être au même niveau. On sent que quelque chose s’est passé. (…).
Lors des après-midi football, personne n’avait de casquette. Il n’y avait plus les participant·es d’un côté, et les intervenant·es, organisateur·ices, interprètes, ingénieur son, de l’autre : tout le monde devenait joueuse ou joueur de football. « On a laissé tout le monde être soi-même » continue François. La résonnance « famille Emmaüs » est vraiment ressortie de cet évènement. »
« L’énergie que les participants ont apportée avec eux, leur intérêt pour les activités proposées, tout était facile à organiser » : Sabina, déléguée nationale d’Emmaüs Bosnie et membre du bureau d’Emmaüs Europe, évoque elle aussi cette ambiance si particulière en se remémorant l’évènement.
Co-organisatrice de la rencontre pour le FIS-Emmaüs, ses attentes étaient fortes : volonté de renouer avec les groupes d’Europe de l’Ouest, et de faire passer un message d’espoir à nos ami·es ukrainien·nes. Oui, il est possible de reconstruire, de bâtir la Paix sur un tas de cendres, malgré les atrocités commises, comme ici, à Srebrenica.
Pour clore ce séjour hors du temps, une cérémonie de remise de diplôme était organisée. Elle a permis à chacun·e de repartir avec un souvenir, et à chaque groupe de « ramener » la coupe à la maison, littéralement. François, encore : « Au moment de la remise des diplômes, un compagnon m’a dit : « on ne m’a jamais pris dans les bras comme ça ». Mais tu pleures quand t’entends ça ! Ce sont des cadeaux, tout est réussi quand tu entends ça. »
Alors que le départ approche, Joanna, d’Emmaüs Lublin, qui a joué le rôle d’interprète pour les neuf Polonais·es et les quatre Ukrainien·nes présents au tournoi, conclut merveilleusement cet évènement décidément différent : « C’était les cinq plus beaux jours de ma vie !».
Tout est réussi, le Mouvement Emmaüs a gagné !
Les supporters ont répondu présents pour encourager leurs équipes favorites. © Emmaüs Europe