Emmaüs en Espagne
Entretien avec José María García Bresó, délégué nationale de l’Espagne au Conseil régional d’Emmaüs Europe.
Comment est né Emmaüs en Espagne ?
Les premières actions d’Emmaüs en Espagne ont été menées en 1969. Cette année-là, le premier chantier de jeunes bénévoles a été organisé en Biscaye avec l’aide des amis d’Emmaüs France (UACE) pour agir au service des plus démunis selon les valeurs d’entraide et de solidarité de l’abbé Pierre et des communautés Emmaüs. À partir de là, d’autres chantiers de jeunes ont été organisés pour faire connaître l’action et les principes d’Emmaüs. En 1972, l’association « Emmaüs en Espagne » est née en rassemblant deux groupes locaux et un comité d’amis et de jeunes bénévoles : l’un à Bilbao, l’autre à Pampelune. Ces groupes sont ensuite devenus des communautés de vie et de travail (Bilbao en 1976 et Pampelune en 1978). D’autres chantiers bénévoles ont ensuite vu le jour et ont permis de créer de nouvelles communautés (Torrelavega, Sabadell, Errenteria, Murcie) qui se sont diversifiées ou ont développé leurs propres activités. Emmaüs compte aujourd’hui en Espagne 5 membres à part entière, 2 groupes en probation et 1 groupe observateur qui fait une demande d’entrée en probation.
Quelles activités mène Emmaüs en Espagne ?
En Espagne, les groupes ont développé des activités diverses selon leur propre situation, leurs quêtes et les solutions trouvées au fil des années. Néanmoins, ils mènent tous plus ou moins des activités de gestion de l’environnement (collecte, traitement et préparation en vue de la réutilisation et du recyclage des encombrants, du papier et du carton, du verre, des vêtements, DEEE…). Certains responsables habilités ont signé des accords (dans le cadre d’appels d’offres pour des marchés publics) pour effectuer des travaux de collecte et de traitement des déchets avec des organismes publics ou des éco-organismes (en Espagne SCRAP : systèmes collectifs de responsabilité élargie des producteurs).
Depuis 1981, Emmaüs en Espagne a été l’un des premiers à mettre en œuvre des systèmes de collecte sélective des déchets en soutenant des méthodes de travail qui créent de l’emploi et en défendant ce modèle pour les collectifs d’économie sociale et solidaire. Ceci a constitué le point de départ d’un engagement social et environnemental durable.
Aujourd’hui, nous continuons à promouvoir et à mettre en œuvre la « hiérarchie des modes de traitement des déchets » pour renforcer les « centres de préparation en vue de la réutilisation ».
Certains groupes mènent des actions de prévention et de pédagogie/sensibilisation à l’environnement de leur propre initiative ou en collaboration avec des établissements éducatifs publics ou des réseaux d’associations sociales/environnementales.
D’autres se sont lancés dans l’agriculture biologique et la mobilité durable. Tous les groupes, avec leurs spécificités, agissent en faveur de la mobilisation et de la sensibilisation au nom de la transformation sociale, par des actions de solidarité et d’engagement auprès des personnes exclues (aide aux sans-abri, bidonvilles, internationalisme…).
Qu’est-ce qu’a changé la crise sanitaire pour vous et comment vous êtes-vous adaptés ?
Globalement, tous les groupes ont connu des périodes difficiles. En plus du sentiment d’incertitude et d’insécurité lié aux préoccupations sanitaires et aux changements de réglementation constants, la plupart des groupes ont dû interrompre leurs activités de production pendant cette période. Tous les groupes sont passés par des phases de découragement, de frustration et de solitude lorsque des confinements ont été mis en place.
Tous les groupes ont eu recours aux ERTE (en Espagne : procédures de chômage partiel), avec des implications différentes pour chacun, afin que personne ne se retrouve sans ressources. En interne, l’entraide a été renforcée en faisant tout particulièrement attention aux soins individuels et collectifs et à la santé au travail (gel hydroalcoolique, masques, lavage des mains, distanciation…).
En somme, nous vivons au jour le jour, en résistant et en apprenant à nous adapter au contexte actuel.
À quels défis les groupes espagnols sont-ils confrontés aujourd’hui ?
Comme partout ailleurs, les défis sont nombreux. Mais notre priorité en cette période de crise est d’essayer de renforcer notre action et de générer les ressources nécessaires pour être autosuffisants et mener des initiatives de solidarité en élargissant les possibilités.
Pour ce qui est de l’autosuffisance, nous recherchons de nouvelles façons de vendre et des infrastructures qui nous permettent de faire face aux différents scénarios tout en restant fidèles aux principes qui nous inspirent et qui figurent dans le document d’Emmaüs Espagne « Notre identité commune ».
Nous savons aussi que nous ne sommes pas les seuls à lutter. Un grand nombre de personnes et de groupes font face à d’autres situations de crise qui sont accentuées par la pandémie. Nous tentons de renforcer les liens avec les réseaux de solidarité, les accords, les collaborations et les alliances et de montrer l’exemple en assurant la cohérence entre les principes et la solidarité et la lutte sociale et politique.
© Emmaüs Murcia