Sortir du cercle vicieux Prison – Pauvreté
En France, comme dans de nombreux pays d’Europe, un passage en prison induit souvent une situation de pauvreté à la sortie. Les Emmaüs qui accueillent régulièrement ceux qui ont du mal à reconstruire leur vie à la suite de cet épisode le savent bien. Emmaüs France et Caritas France ont approfondit cette question dans une enquête de grande qualité : découvrez leurs propositions pour sortir de ce cercle vicieux !
Emmaüs est né en 1949 de la rencontre entre l’abbé Pierre et Georges, ancien bagnard et premier compagnon, à qui il proposa de « venir l’aider à aider ». Fidèle à sa vocation affirmée d’accueil inconditionnel, le mouvement porte historiquement une attention particulière aux personnes placées sous-main de justice. Plus de 1000 d’entre elles sont accueillies chaque année dans les 296 groupes français. Emmaüs milite ainsi contre le dogme du tout carcéral, et contribue depuis toujours à l’insertion sociale et professionnelle des personnes sortant de détention.
Dans les groupes de toute l’Europe, de nombreux compagnons sont aussi passés par la case prison.
Au-delà de l’accueil au sein des communautés ou dans les structures d’insertion, le mouvement a également développé en France des structures dédiées à ce public, tels que les fermes d’insertion. Ces structures proposent à des personnes sortant de longues peines de prison un hébergement communautaire, un contrat de travail sur une activité d’agriculture biologique et un accompagnement socio-professionnel renforcé. En partenariat avec le Ministère de la Justice, ce dispositif fait l’objet d’un essaimage depuis 2016 : 4 structures fonctionnent aujourd’hui et 5 projets sont en développement. Ces actions ont récemment été mises en avant à l’échelle européenne, par la Banque de développement du Conseil de l’Europe dans le cadre de la note « Beyond Bars and Walls: Modernising Prison Systems to Unlock Social Inclusion ».
Forts des expériences issues de ses actions de terrain, et afin de continuer à porter la « voix des sans voix », Emmaüs France, en partenariat avec le Secours Catholique (Caritas France), a décidé d’explorer les manières dont les liens entre prison et pauvreté se construisent et s’alimentent. Elle apparait en effet comme le dernier maillon d’une chaîne d’exclusions. « Elle », c’est la prison française. Celle pour laquelle l’État fait figure de « multirécidiviste » après avoir été condamné à plusieurs reprises par les juridictions françaises et européennes, en raison des conditions de vie des 67 500 personnes détenues en France.
Dans cette perspective, une enquête inédite à la fois qualitative et quantitative a été menée. Le parti pris de cette vaste enquête est de reconnaître les premiers concernés, les personnes détenues, comme des interlocuteurs légitimes et porteurs de solutions pour lutter contre la pauvreté en détention. Ce travail a permis d’objectiver et d’analyser les différentes facettes de la pauvreté vécue par les personnes détenues, qui doit s’appréhender sous un angle multidimensionnel (pauvretés économiques mais aussi sociales, professionnelles, culturelles, spirituelles, etc.).
Les résultats de cette enquête mettent en évidence l’existence d’un cercle vicieux de pauvreté-incarcération, qui résulte en grande partie des politiques pénales passées et actuelles, majoritairement axées sur une vision répressive de la peine plutôt que sur la réinsertion. Sans surprise, on constate que les personnes pauvres sont surreprésentées, souffrent d’une aggravation de leur situation en détention, et se retrouvent le plus souvent à l’extérieur sans avoir pu préparer correctement leur sortie. Une vaste campagne de plaidoyer, afin d’interpeler les acteurs politiques et la société civile et de présenter nos recommandations politiques à travers 25 propositions concrètes, est en cours.
Le rapport complet ainsi que des podcasts de témoignages sont disponibles ici.
Un évènement de présentation et de débat aura notamment lieu le 17 février prochain à Paris. Il est accessible en ligne et en rediffusion pour les francophones en cliquant ici.