Emmaüs Europe

Emmaüs en Finlande

Entretien avec Anu Lähde, déléguée nationale de la Finlande au Conseil régional d’Emmaüs Europe.

 

Peux-tu nous parler des débuts d’Emmaüs en Finlande ?

En 1959, une poignée de Finlandais se joint aux efforts d’une organisation suédoise, du nom de Swallows, active en Inde et au Pérou. En 1964, Birgit et Rurik Rancken établissent Swallows à Ekenäs dans le sud-ouest de la Finlande. Ils y sélectionnent et préparent des volontaires aux missions en Inde et au Pérou, mais tiennent aussi des discussions et servent de source d’informations sur le tiers monde.

En 1962, Gérard Protain, prêtre français engagé auprès des chiffonniers Emmaüs à Lima, est expulsé du Pérou, les autorités jugeant son activité et ses opinions subversives. Il rejoint alors la Finlande et participe à la fondation de la communauté Emmaüs de Helsinki en 1966, avec Marita Uunila et les Amis d’Emmaüs. Étudiants et adultes y travaillent main dans la main pour aider les personnes vivant dans la rue, organisent des ramassages et gèrent des bric-à-brac.

Quelles sont les activités menées par Emmaüs en Finlande ?

Swallows, premier groupe Emmaüs en Finlande, est l’une des organisations de coopération au développement finlandaises les plus anciennes. Swallows de Finlande est engagée dans le cadre de partenariats à long terme auprès d’ONG népalaises, indiennes et péruviennes ; les premiers groupes Swallows Emmaüs ayant émané en Suède. Les autres groupes Emmaüs gèrent quant à eux les bric-à-brac.

Les groupes finlandais appuient des projets de solidarité et de coopération au développement tout en proposant des programmes de création d’emploi ou d’insertion à destination des groupes vulnérables (tels que les handicapés, les chômeurs ou les migrants), mais il n’y a plus de communauté avec des compagnons. Il reste beaucoup à faire en matière de récupération, de tri et de revente des dons effectués dans les bric-à-brac. La majeure partie des revenus de ces activités permettent d’appuyer la solidarité internationale, particulièrement dans les pays Baltes.

Emmaüs Åland et Helsinki ont tous deux mis sur pied des bassins de main-d’œuvre pour proposer davantage d’offres d’emploi aux groupes vulnérables et marginalisés. Ces bassins de main d’œuvre ciblent des femmes et des hommes migrants menacés par la pauvreté et l’exclusion. Ces personnes de langues et de cultures différentes arrivent pour la plupart du sud-est de l’Europe. Ce bassin les emploie officiellement pour réaliser des tâches de nettoyage, de jardinage et de réparation. Il leur fournit également une formation initiale et leur prête assistance en cas de problèmes de toutes sortes (pour des questions liées à l’emploi ou d’ordre juridique). Le bassin de main d’œuvre d’Emmaüs Åland est parvenu à recruter pour des missions plus ou moins longues environ 50 personnes.

Comment la situation a-t-elle évolué depuis la crise sanitaire et comment vous êtes-vous adaptés ?

La pandémie de coronavirus a posé des difficultés à notre activité de bric-à-brac en raison de leur fermeture au printemps dernier, qui a duré plusieurs mois, et du nombre réduit de clients et de volontaires. La situation semblant se poursuivre cette année, le montant des revenus alloués au soutien à la solidarité a dû être revu à la baisse (pour la deuxième année consécutive). Par le passé, Emmaüs Helsinki était en mesure de consacrer près de 40 % de ses revenus annuels aux activités de solidarité, mais cette année, ce chiffre n’a pu atteindre que 25 %.

Néanmoins, même en période difficile, tous les groupes sont résolus à poursuivre autant que possible leurs activités de solidarité. Cette crise a été l’occasion de réfléchir à nos valeurs, d’établir des priorités entre nos différentes activités, de revoir en profondeur notre situation financière et d’adapter nos activités : le restaurant d’Emmaüs Åland a, par exemple, dû définitivement fermer ses portes. Toutefois, nous sommes plutôt bien parvenus à surmonter la crise.

Actualités Finlande

© Emmaüs Helsinki

Emmaüs Bolton : ateliers de menuiserie et d’upcycling

Il y a deux ans, Emmaüs Bolton a lancé des ateliers où fabriquer des objets en bois et des meubles upcyclés, l’idée étant d’offrir aux compagnons la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences…et cela a porté ses fruits !

Emmaüs Bolton, communauté située près de Manchester au Royaume-Uni, compte 22 compagnons qui réalisent le travail traditionnel des communautés Emmaüs (récupération, tri et revente à bas prix), mais trouvent toujours de nouvelles initiatives pour l’avenir ! Sur place, l’artisan menuisier qualifié aide les compagnons à apprendre le métier ; ils sont d’ailleurs maintenant capables d’assumer toute une série de projets.

À ce jour, ils ont fabriqué des tables, des armoires, des bibliothèques, des étagères, des cache-radiateurs et du mobilier de jardin, qui sont ensuite vendus dans la boutique d’Emmaüs Bolton, mais ce n’est pas tout ! Ils proposent aussi un service de meubles fabriqués sur mesure afin de donner vie aux idées des clients !

Quatre à six compagnons travaillent chaque jour dans les ateliers. Ils se servent dans la mesure du possible de bois recyclé, mais veillent à utiliser du bois issu de forêts gérées de façon durable (où l’exploitation forestière ne nuit pas à la santé ou à la survie de la forêt) s’ils doivent se procurer du bois neuf.

Le processus de création des objets sur-mesure dure généralement une semaine et ravit les clients, impliqués dès la phase de conception jusqu’au choix des finitions. Ils peuvent décider du coloris, du vernis et du traitement du bois pour tous les articles créés par les compagnons, renforçant ainsi la relation avec le client et permettant à la communauté de s’ouvrir encore davantage au monde extérieur. Cette nouvelle activité offre également la possibilité aux compagnons d’apprendre un métier, chose importante pour eux d’un point de vue professionnel, mais aussi personnel car renforçant leur confiance en eux.

Pour plus d’information : https://emmaus.org.uk/bolton

Actualités Économie circulaire et solidaire / Écologie Royaume-Uni

© Emmaüs Bolton

Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux

La Commission européenne a publié son plan d’action sur le socle européen des droits sociaux le 4 mars 2021. Il doit venir concrétiser la promesse proclamée en 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, que le modèle économique et social européen unique apporte une prospérité partagée et des opportunités pour tous.

Le plan d’action fixe trois objectifs politiques majeurs dans les domaines de l’emploi, des compétences et de la protection sociale à atteindre d’ici 2030, dont un objectif principal sur la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans les prochains mois, ce plan propose de décliner ces objectifs dans plusieurs lois (directives) et sous plans d’actions.

Le réseau anti-pauvreté européen (EAPN), dont Emmaüs Europe fait partie, a émis un premier avis sur ce plan avant une contribution plus approfondie à venir. Voici les 3 principaux objectifs :

 

Réduction de la pauvreté

Cet objectif vise à réduire le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale d’au moins 15 millions d’ici 2030, dont au moins 5 millions devraient être des enfants. EAPN considère qu’il est essentiel qu’un objectif de réduction de la pauvreté soit l’un des trois seuls grands objectifs. Cependant, cet objectif réduit de manière significative l’ambition du précédent objectif Europe 2020 qui prévoyait une réduction de 20 millions, en particulier dans le contexte de la pandémie COVID-19.

 

Revenu minimum

Pour EAPN, il est essentiel que le plan d’action contienne une initiative pour une recommandation du Conseil sur le revenu minimum en 2022 afin de soutenir et de compléter efficacement les politiques des États membres. Étant donné que l’heure n’est pas au statu quo, EAPN regrette vivement que le plan d’action n’inclue pas de directive-cadre sur le revenu minimum, en tant que proposition législative européenne contraignante.

 

Autres initiatives

EAPN se réjouit, en revanche, de voir que le plan d’action contient plusieurs initiatives pertinentes pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, telles qu’une stratégie de l’Union européenne sur les droits de l’enfant et une recommandation du Conseil établissant la garantie européenne pour l’enfance, une plate-forme européenne sur la lutte contre le sans-abrisme et un Plan d’action sur l’économie sociale.

 

Une analyse plus approfondie à suivre

Afin de préparer une réaction plus complète et des propositions à la lumière des conséquences économiques et sociales dévastatrices que nous avons déjà vues de la pandémie COVID-19, EAPN et ses membres réfléchiront plus avant sur trois questions clés :

  1. Le plan d’action peut-il tenir ces promesses et ces attentes, et offrir une approche intégrée adéquate pour s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté ?
  2. Peut-il contribuer à garantir à chacun le droit et l’accès à un revenu minimum adéquat ?
  3. Les différentes initiatives clés peuvent-elles contribuer efficacement à un meilleur accès, fondé sur les droits, à la protection sociale et à des services publics abordables, y compris la santé, les soins, le logement et l’énergie ?
Actualités Lutte contre la misère / Solidarité Union européenne
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Documents à consulter

Emmaüs sur l’Île de la Réunion

Récit basé sur des entretiens avec William Caro, Bernard Grondin, Sandrine Techer et Nelly Calimoutou d’Emmaüs Réunion ainsi que Wilfrid Bertile, Jean-Philippe Garcia et Emmanuel Cazeau d’Emmaüs Grand Sud et Bruno Pichon de l’Agame.

La Réunion est une île française de l’Océan indien proche de Madagascar qui la sépare du continent africain. Quand les français sont arrivés sur cette île, elle était inhabitée, ce qui peut justifier la faiblesse du mouvement indépendantiste à la Réunion. En revanche, les Français ont pratiqué l’esclavagisme en faisant venir des esclaves de différents pays d’Afrique et de Madagascar et a mis en place une économie centrée sur la monoculture de la canne à sucre et son exportation. L’esclavage a fortement marqué l’île et est bien à l’origine des inégalités économiques et sociales qui y perdurent.

Aujourd’hui, l’un des principaux problèmes reste le chômage touchant plus de 22 % de la population en 2020 et 44% chez les 15-24 ans. C’est aussi une île très impactée par la surconsommation et la dépendance à l’extérieur, notamment pour l’alimentation.

Quelle est l’origine des groupes Emmaüs à la Réunion ?

Le premier groupe Emmaüs a été créé après la fermeture de la grande décharge à ciel ouvert près de la ville de Saint-Denis. La population de ce quartier de bidonville, zone de logements de transit en pleine rénovation, appelait cette décharge son « usine » jusque dans les années 70, c’est grâce à la récupération qu’ils gagnaient leurs maigres revenus.

L’actuel directeur du groupe Emmaüs Réunion était alors travailleur social dans ce quartier. Après la rencontre de l’Abbé Pierre en 1994 et grâce à l’accompagnement de 5 groupes français et de la Fondation Abbé Pierre, il créé avec une équipe bénévole l’association Emmaüs Réunion « Papillon » (du nom du bidonville). Elle rassemble alors une dizaine de familles de chiffonniers contraintes de quitter la décharge et trouvant dans l’activité Emmaüs un projet pour rester debout.

Un deuxième groupe a été créé à l’autre bout de l’île en 2012 en intégrant une association qui menait une activité solidaire auprès des personnes en grande exclusion ou à la rue et qui commençait à développer une activité de création d’emploi par l’activité de réemploi. Emmaüs Grand Sud a aujourd’hui un site d’activité économique à Saint-Pierre et toujours sa « boutique solidarité », centre d’accueil de jour à Saint-Joseph.

Un troisième groupe vient de rejoindre le mouvement en probation avec une activité de réemploi de matériel informatique et téléphonie et de formation des personnes en exclusion numérique. Il est implanté dans la ville du Port où le chômage des jeunes atteint 50% des 15-24 ans. C’est l’Agame, du nom d’un lézard dont la contribution à l’écosystème est essentielle mais qui est menacé de disparition. Son objectif est de combler le fossé entre une situation de surconsommation d’un côté et un grand manque d’équipement de l’autre.

Quelle est la principale activité des groupes ?

Les 2 groupes ont une activité économique de réemploi de textile et d’objets donnés par des particuliers. Le principal revenu vient du textile qui représente 60% du chiffre d’affaire pour Emmaüs Réunion. Mais Emmaüs Grand Sud a aussi une activité de chantier d’insertion pour la réparation de gros électroménager de première nécessité pour les familles dans le besoin en plus de son activité économique et de son activité d’accueil à Saint Joseph qui reçoit environ 300 bénéficiaires réguliers.

Emmaüs Réunion a, durant de nombreuses années, essayé de maintenir sur le long terme une équipe de salarié.e.s venant de quartiers pauvres et sans formation pour leur permettre de se stabiliser et se former au sein d’Emmaüs. Mais la fin des aides de l’État français sur ce type d’emplois les a contraints à ne garder que 30 salariés et ne leur permet pas de recruter de nouvelles personnes. Ils vont bientôt développer une activité d’insertion pour pouvoir apporter leur soutien à de nouvelles personnes en difficulté.

Quels sont les enjeux actuels ?

La situation sanitaire face à la Covid est meilleure que dans de nombreux pays car c’est une ile assez loin des autres pays de l’Océan indien, ce qui permet de suivre les personnes qui entrent sur son territoire. Des tests Covid sont demandés pour pouvoir y entrer et doivent être refaits après l’arrivée.

A part un premier confinement en mars avril qui leur a fait perdre deux mois de chiffre d’affaire, les groupes réunionnais ont pu poursuivre leur activité quasi normalement en appliquant les mesures de prévention sanitaire.

Pour se relever du premier confinement, ils ont augmenté leurs horaires d’ouverture et fait tout un travail de réorganisation. Les deux premiers groupes ont aussi des enjeux d’agrandissement pour pouvoir développer leur activité et maintenir leur autonomie financière.

L’Agame, quant à lui, a développé son action pendant cette crise sanitaire en mobilisant toute son équipe pour fournir en ordinateurs 500 jeunes de la ville du Port afin qu’ils suivent les enseignements à distance et en les formant ainsi que leurs familles tout en poursuivant encore de nombreux projets.

Emmaüs Réunion aimerait à l’avenir développer une section librairie constituée d’ouvrages sur les cultures créoles, l’Histoire de l’Océan Indien et des luttes contre l’esclavage et les colonies grâce à l’immense collection qu’ils ont accumulée au fil des ans.  L’ambition est de développer des échanges plus politiques avec la population et de poursuivre l’organisation de débats sur les enjeux sociaux et culturels de l’île.

Enfin, les trois groupes essayent de développer plus de dynamiques collectives entre eux : ils sont sur le point de lancer ensemble un site de vente en ligne (M’i Emmaüs) et ont mené une action commune de solidarité avec Madagascar en 2020 (opération Kéré), perspective d’une plus grande intégration régionale.

Trucs et astuces 

  • Emmaüs les papillons est très proche de l’aéroport de l’île qui leur fait don de tous les objets confisqués qui ne peuvent pas être emportés en avion. C’est donc l’un des meilleurs endroits pour acheter des bâtons de randonnée, des petits pilons en pierre de lave ou des couteaux suisses : ils en ont des tonnes !
  • Emmaüs Grand Sud a mis des écrans dans la file de la caisse qui diffuse des films sur l’histoire et les valeurs du mouvement.

Pour aller plus loin :

Actualités France

Bernard Grondin, Nelly Calimoutou, William Caro, Emmaüs Réunion.