Emmaüs Europe

Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux

La Commission européenne a publié son plan d’action sur le socle européen des droits sociaux le 4 mars 2021. Il doit venir concrétiser la promesse proclamée en 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, que le modèle économique et social européen unique apporte une prospérité partagée et des opportunités pour tous.

Le plan d’action fixe trois objectifs politiques majeurs dans les domaines de l’emploi, des compétences et de la protection sociale à atteindre d’ici 2030, dont un objectif principal sur la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans les prochains mois, ce plan propose de décliner ces objectifs dans plusieurs lois (directives) et sous plans d’actions.

Le réseau anti-pauvreté européen (EAPN), dont Emmaüs Europe fait partie, a émis un premier avis sur ce plan avant une contribution plus approfondie à venir. Voici les 3 principaux objectifs :

 

Réduction de la pauvreté

Cet objectif vise à réduire le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale d’au moins 15 millions d’ici 2030, dont au moins 5 millions devraient être des enfants. EAPN considère qu’il est essentiel qu’un objectif de réduction de la pauvreté soit l’un des trois seuls grands objectifs. Cependant, cet objectif réduit de manière significative l’ambition du précédent objectif Europe 2020 qui prévoyait une réduction de 20 millions, en particulier dans le contexte de la pandémie COVID-19.

 

Revenu minimum

Pour EAPN, il est essentiel que le plan d’action contienne une initiative pour une recommandation du Conseil sur le revenu minimum en 2022 afin de soutenir et de compléter efficacement les politiques des États membres. Étant donné que l’heure n’est pas au statu quo, EAPN regrette vivement que le plan d’action n’inclue pas de directive-cadre sur le revenu minimum, en tant que proposition législative européenne contraignante.

 

Autres initiatives

EAPN se réjouit, en revanche, de voir que le plan d’action contient plusieurs initiatives pertinentes pour la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, telles qu’une stratégie de l’Union européenne sur les droits de l’enfant et une recommandation du Conseil établissant la garantie européenne pour l’enfance, une plate-forme européenne sur la lutte contre le sans-abrisme et un Plan d’action sur l’économie sociale.

 

Une analyse plus approfondie à suivre

Afin de préparer une réaction plus complète et des propositions à la lumière des conséquences économiques et sociales dévastatrices que nous avons déjà vues de la pandémie COVID-19, EAPN et ses membres réfléchiront plus avant sur trois questions clés :

  1. Le plan d’action peut-il tenir ces promesses et ces attentes, et offrir une approche intégrée adéquate pour s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté ?
  2. Peut-il contribuer à garantir à chacun le droit et l’accès à un revenu minimum adéquat ?
  3. Les différentes initiatives clés peuvent-elles contribuer efficacement à un meilleur accès, fondé sur les droits, à la protection sociale et à des services publics abordables, y compris la santé, les soins, le logement et l’énergie ?
Actualités Lutte contre la misère / Solidarité Union européenne
Drapeau de l'Union européenne

Documents à consulter

Emmaüs sur l’Île de la Réunion

Récit basé sur des entretiens avec William Caro, Bernard Grondin, Sandrine Techer et Nelly Calimoutou d’Emmaüs Réunion ainsi que Wilfrid Bertile, Jean-Philippe Garcia et Emmanuel Cazeau d’Emmaüs Grand Sud et Bruno Pichon de l’Agame.

La Réunion est une île française de l’Océan indien proche de Madagascar qui la sépare du continent africain. Quand les français sont arrivés sur cette île, elle était inhabitée, ce qui peut justifier la faiblesse du mouvement indépendantiste à la Réunion. En revanche, les Français ont pratiqué l’esclavagisme en faisant venir des esclaves de différents pays d’Afrique et de Madagascar et a mis en place une économie centrée sur la monoculture de la canne à sucre et son exportation. L’esclavage a fortement marqué l’île et est bien à l’origine des inégalités économiques et sociales qui y perdurent.

Aujourd’hui, l’un des principaux problèmes reste le chômage touchant plus de 22 % de la population en 2020 et 44% chez les 15-24 ans. C’est aussi une île très impactée par la surconsommation et la dépendance à l’extérieur, notamment pour l’alimentation.

Quelle est l’origine des groupes Emmaüs à la Réunion ?

Le premier groupe Emmaüs a été créé après la fermeture de la grande décharge à ciel ouvert près de la ville de Saint-Denis. La population de ce quartier de bidonville, zone de logements de transit en pleine rénovation, appelait cette décharge son « usine » jusque dans les années 70, c’est grâce à la récupération qu’ils gagnaient leurs maigres revenus.

L’actuel directeur du groupe Emmaüs Réunion était alors travailleur social dans ce quartier. Après la rencontre de l’Abbé Pierre en 1994 et grâce à l’accompagnement de 5 groupes français et de la Fondation Abbé Pierre, il créé avec une équipe bénévole l’association Emmaüs Réunion « Papillon » (du nom du bidonville). Elle rassemble alors une dizaine de familles de chiffonniers contraintes de quitter la décharge et trouvant dans l’activité Emmaüs un projet pour rester debout.

Un deuxième groupe a été créé à l’autre bout de l’île en 2012 en intégrant une association qui menait une activité solidaire auprès des personnes en grande exclusion ou à la rue et qui commençait à développer une activité de création d’emploi par l’activité de réemploi. Emmaüs Grand Sud a aujourd’hui un site d’activité économique à Saint-Pierre et toujours sa « boutique solidarité », centre d’accueil de jour à Saint-Joseph.

Un troisième groupe vient de rejoindre le mouvement en probation avec une activité de réemploi de matériel informatique et téléphonie et de formation des personnes en exclusion numérique. Il est implanté dans la ville du Port où le chômage des jeunes atteint 50% des 15-24 ans. C’est l’Agame, du nom d’un lézard dont la contribution à l’écosystème est essentielle mais qui est menacé de disparition. Son objectif est de combler le fossé entre une situation de surconsommation d’un côté et un grand manque d’équipement de l’autre.

Quelle est la principale activité des groupes ?

Les 2 groupes ont une activité économique de réemploi de textile et d’objets donnés par des particuliers. Le principal revenu vient du textile qui représente 60% du chiffre d’affaire pour Emmaüs Réunion. Mais Emmaüs Grand Sud a aussi une activité de chantier d’insertion pour la réparation de gros électroménager de première nécessité pour les familles dans le besoin en plus de son activité économique et de son activité d’accueil à Saint Joseph qui reçoit environ 300 bénéficiaires réguliers.

Emmaüs Réunion a, durant de nombreuses années, essayé de maintenir sur le long terme une équipe de salarié.e.s venant de quartiers pauvres et sans formation pour leur permettre de se stabiliser et se former au sein d’Emmaüs. Mais la fin des aides de l’État français sur ce type d’emplois les a contraints à ne garder que 30 salariés et ne leur permet pas de recruter de nouvelles personnes. Ils vont bientôt développer une activité d’insertion pour pouvoir apporter leur soutien à de nouvelles personnes en difficulté.

Quels sont les enjeux actuels ?

La situation sanitaire face à la Covid est meilleure que dans de nombreux pays car c’est une ile assez loin des autres pays de l’Océan indien, ce qui permet de suivre les personnes qui entrent sur son territoire. Des tests Covid sont demandés pour pouvoir y entrer et doivent être refaits après l’arrivée.

A part un premier confinement en mars avril qui leur a fait perdre deux mois de chiffre d’affaire, les groupes réunionnais ont pu poursuivre leur activité quasi normalement en appliquant les mesures de prévention sanitaire.

Pour se relever du premier confinement, ils ont augmenté leurs horaires d’ouverture et fait tout un travail de réorganisation. Les deux premiers groupes ont aussi des enjeux d’agrandissement pour pouvoir développer leur activité et maintenir leur autonomie financière.

L’Agame, quant à lui, a développé son action pendant cette crise sanitaire en mobilisant toute son équipe pour fournir en ordinateurs 500 jeunes de la ville du Port afin qu’ils suivent les enseignements à distance et en les formant ainsi que leurs familles tout en poursuivant encore de nombreux projets.

Emmaüs Réunion aimerait à l’avenir développer une section librairie constituée d’ouvrages sur les cultures créoles, l’Histoire de l’Océan Indien et des luttes contre l’esclavage et les colonies grâce à l’immense collection qu’ils ont accumulée au fil des ans.  L’ambition est de développer des échanges plus politiques avec la population et de poursuivre l’organisation de débats sur les enjeux sociaux et culturels de l’île.

Enfin, les trois groupes essayent de développer plus de dynamiques collectives entre eux : ils sont sur le point de lancer ensemble un site de vente en ligne (M’i Emmaüs) et ont mené une action commune de solidarité avec Madagascar en 2020 (opération Kéré), perspective d’une plus grande intégration régionale.

Trucs et astuces 

  • Emmaüs les papillons est très proche de l’aéroport de l’île qui leur fait don de tous les objets confisqués qui ne peuvent pas être emportés en avion. C’est donc l’un des meilleurs endroits pour acheter des bâtons de randonnée, des petits pilons en pierre de lave ou des couteaux suisses : ils en ont des tonnes !
  • Emmaüs Grand Sud a mis des écrans dans la file de la caisse qui diffuse des films sur l’histoire et les valeurs du mouvement.

Pour aller plus loin :

Actualités France

Bernard Grondin, Nelly Calimoutou, William Caro, Emmaüs Réunion.

Emmaüs Ruffec : la mobilité solidaire

Depuis 2009, Emmaüs Ruffec est mobilisé pour répondre à une problématique récurrente, celle de la mobilité. L’association est implantée en milieu très rural classé « zone rurale à revitaliser » avec de fortes problématiques de déplacement pour les personnes sans emploi ou en situation de pauvreté (peu de transports en commun, peu d’usage de mobilité douce comme le vélo ou la marche…).

Face aux nombreuses aides sollicitées en la matière, l’association a commencé à mettre en place un service de location solidaire de scooters, sur prescription des accompagnateur.rices sociaux. La mobilité étant primordiale pour pouvoir rebondir, le parc et les services proposés se sont développés et le territoire s’est élargi. En 2017, l’association a ouvert sa première auto-école solidaire, en partenariat avec le département et cofinancé par l’Union européenne, dans le cadre du Fond social européen.

Ce dispositif permet à toutes et tous d’accéder à l’apprentissage de la conduite en aidant les personnes qui rencontrent des difficultés économiques, sociales et cognitives dans la préparation du permis de conduire. Les bénéficiaires participent à hauteur de 25% du coût total de la formation, qui est en principe d’environ 1200€ en France. Chaque année, environ 120 personnes, sélectionnées sur la base de critères sociaux, sont ainsi en apprentissage de la conduite et 150 diagnostiques mobilité sont réalisés par le conseiller mobilité, qui a pour mission d’aider à résoudre les difficultés de transport qui freinent l’insertion sociale et professionnelle.

Ce développement important a été possible grâce à la structuration des services. En France, il existe des plateformes mobilité au niveau national réunissant les dispositifs de mobilité solidaires sur le territoire, à savoir une auto-école, un service de location ainsi qu’un accompagnement social au niveau de la mobilité. Lorsque le département a lancé un appel pour embaucher un.e conseiller.e mobilité, Emmaüs Ruffec a décidé de prendre en main ce service en 2018. La démarche semblait logique puisque l’association portait déjà un service de location social ainsi qu’une auto-école solidaire. Elle a également permis de se structurer en plateforme mobilité globale tout en s’étendant désormais sur un territoire deux fois plus vaste avec la création d’une antenne à Confolens.

Le pôle compte actuellement 6 employé.e.s, dont un emploi aidé, et peut compter sur l’aide de bénévoles engagé.e.s mais il prévoit de se développer à nouveau en 2021. En effet, Emmaüs Ruffec envisage de recruter un.e 3ème enseignant.e de conduite pour ouvrir une nouvelle antenne à la demande des élu.e.s locaux et de pérenniser le poste de gestion du parc de location avec l’ambition d’augmenter le nombre de véhicules disponibles. Il s’agirait également de proposer au public de faire don de leur ancien véhicule en état de fonctionnement ou réparable dans la logique Emmaüs. L’aventure continue !

Actualités France Lutte contre la misère / Solidarité

© Emmaüs Ruffec

« Covid-19, facteur aggravant de pauvreté » | Rapport pauvreté 2020 d’EAPN

Le Réseau Européen de lutte contre la pauvreté (EAPN), dont Emmaüs Europe est membre, vient de publier son rapport sur la pauvreté en Europe en 2020.

Les rapports pauvreté étudient en premier lieu la réalité des personnes en situation de pauvreté et le point de vue des ONG qui travaillent à leurs côtés. Étant donné que la pauvreté devrait atteindre les niveaux enregistrés pendant la crise de 2008, et à l’approche du plan d’action de l’UE sur le socle européen des droits sociaux et des plans de relance et de résilience, il est temps d’éliminer la pauvreté pour de bon !

Qu’est-ce que le rapport pauvreté d’EAPN ?

Le rapport pauvreté d’EAPN n’est pas un compte rendu officiel complet sur l’état de la pauvreté. Les rapports pauvreté étudient la situation des personnes vivant dans la pauvreté et le point de vue des ONG qui les accompagnent et travaillent à leurs côtés. Soit 32 réseaux EAPN nationaux et 13 organisations européennes membres. Les principaux objectifs sont :

  1. Suivre l’évolution de la pauvreté et de l’exclusion sociale en Europe et des politiques mises en place.
  2. Sensibiliser aux questions prioritaires et à l’impact/réalité des personnes en situation de pauvreté.
  3. Proposer des recommandations concrètes qui s’appuient sur des preuves et des exemples.

Covid-19 : facteur aggravant de pauvreté

Les rapports pauvreté 2020 ont aussi d’autres ambitions : montrer l’évolution actuelle de la pauvreté et de l’exclusion sociale, et réfléchir aux conséquences de la pandémie de la Covid-19 et des mesures gouvernementales pour les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. Le rapport pauvreté délivre des messages clés sur la pauvreté en pleine période de pandémie en Europe.

Messages clés :

  • La pauvreté est une violation des droits de l’homme induite par les inégalités.
  • La Covid-19 a creusé les inégalités.
  • Les gouvernements donnent la priorité aux entreprises plutôt qu’à la protection des personnes et ne parviennent pas à garantir un revenu adéquat pour tous.
  • Les travailleurs précaires sont parmi les plus touchés – tandis qu’une majorité de travailleurs essentiels sont mal rémunérés.
  • Le revenu minimum et la protection sociale ne protègent toujours pas les populations contre la pauvreté, malgré des augmentations temporaires bienvenues des niveaux et de la couverture.
  • La Covid-19 a mis en évidence les inégalités en matière de santé et l’absence d’accès universel à des soins de santé et à des soins abordables. La pauvreté est un déterminant social clé.
  • Le manque de logements abordables, l’augmentation des coûts de l’énergie, de l’alimentation et d’autres coûts essentiels poussent les personnes à faire des choix inacceptables.
  • La Covid-19 accroît les inégalités dans les systèmes d’éducation et d’apprentissage tout au long de la vie.
  • Absence d’analyse claire de l’impact social/pauvreté. La Covid-19 met en évidence la nécessité d’une évaluation claire de l’impact social de toutes les propositions politiques.
  • Les associations du secteur social et de lutte contre la pauvreté offrent une bouée de sauvetage aux personnes confrontées à la pauvreté, mais elles sont débordées et leur existence est menacée.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur : https://www.eapn.eu

Actualités Lutte contre la misère / Solidarité Union européenne

© EAPN

Documents à consulter